Truites et ombres sur la Haute-Seine
Il est 10 heures du matin, ce jeudi 1er mai, quand j’arrive finalement à m’extraire de mon lit. Pas glorieux : la journée d’exploration que j’avais programmée sur la Haute Seine a pas mal de plomb dans l’aile. Il ne va pas falloir trainer, où je pourrai définitivement faire une croix dessus. Le temps de s’extirper rapidement des bras de Morphée, des bras de madame, d’enchainer sur un rapide casse dalle et de prendre au vol le matos, la voiture est chargée pour 11h et c’est partie pour une remontée jusqu’aux premiers kilomètres de Seine, à la frontière de l’Aube et de la Côte d’Or.
Taraudé par l’envie de découvrir de nouveaux coins de pêche cette saison, j’ai jeté mon dévolu sur cette partie du fleuve qu’on dit bien pourvue en ombres et truites de belle taille. J’ai du mal à le croire s’agissant du cours d’eau vert-marronnasse chargé de PCB et autres polluants qui serpente le long des quais parisiens, mais à la vue des témoignages et photos qui émaillent quelques blogs de pêche rapidement parcourus sur mon ordinateur au bureau, il y a peut-être un coup à jouer…Aucune info depuis 2010, apparemment la population d’ombres baissait alors un peu dans ce secteur jadis réputé…Bref, on verra bien.
Première bonne surprise en arrivant au bord de l’eau : la rivière est magnifique, une eau claire couleur vert émeraude, parsemée d’herbiers présents sans être trop envahissants. Une fois la voiture garée –un peu au petit bonheur la chance, je n’ai pas pu trouver d’indications précises sur les coins les plus propices- je jette un premier coup d’œil avant de m’équiper. Les poissons sont là. J’aperçois de nombreux juvéniles qui fuient à mon arrivée près d’un petit bras d’eau vive. Sans doute des ombrets. J’en ai vu assez, c’est parti !
En remontant une zone profonde et calme du cours à travers prés, j’aperçois peu de gobages et pense de plus en plus commencer en noyée, le temps que l’activité des poissons se développe en surface. Mais je suis vite détrompé sur la stratégie à adopter : arrivé sur une section élargie, moins profonde et parsemée d’herbier, je vois soudain un, puis deux, non trois gobages qui se succèdent. Visiblement les poissons ne sont pas postés. Le choix est fait : ce sera en sèche aujourd’hui. Entrée discrète dans l’eau, observation des insectes. Une éclosion de petites éphémères grises est en cours, et quelques sedges de même couleur s’égayent en surface. Il faut bien faire un choix, j’opte donc pour ma mouche fétiche, un petit sedge gris avec corps en chevreuil taillé, qui flotte très bas.
Quelques lancers successifs sur un gobage franc se soldent par des échecs. Je me rends à l’évidence et monte une toute petite émergente d’éphémère, corps vert cerclé de laiton, aile grise sur hameçon 20. Bingo : le premier poisson, attrapé à la limite d’une veine de courant, n’est pas bien gros. Surprise à l’épuisetage, ce n’est pas un ombre mais une petite truite de vingt centimètres. Je la décroche rapidement dans l’épuisette et elle retourne au bercail sans avoir quitté l’eau.
Sympa, mais j’aimerais bien prendre plus gros. J’aperçois un gobage bien franc en aval. Le poisson a l’air joli. Au premier lancé, le poisson prend la mouche. Ferrage…raté. Pinailleur celui-là, ce doit être un ombre. Trois lancers plus tard, nouveau gobage sur ma mouche dans le même secteur…encore raté. Il commence à me les briser menu, celui-là. De guerre lasse, je retente un lancer amont, à la lisière du courant à ma droite. Un gobage franc me surprend, je ferre…c’est au bout, et c’est un beau poisson. Défense énergique, il passe devant moi comme une flèche pour prendre le courant. Une belle truite ? Non, un ombre ! Et un qui saute, me gratifiant de quelques jolies cabrioles, la dorsale bien déployée. Après quelques minutes de boulot, la bête est à l’épuisette. Un poisson pas monstrueux, mais magnifique : 37 cm, une dorsale irisée comme un arc en ciel. Une photo souvenir et il retrouvera sa rivière.
A partir de ce moment, les prises s’enchaînent. Mais la taille des poissons est un peu décevante : trois ombres d’une vingtaine de centimètres et une truite de même taille finiront à l’épuisette dans la demi-heure sur le même secteur d’une cinquantaine de mètres carrés ! Ca a dû être la grande partouze ici ces dernières années pendant les mois de fermeture ! Réjouissant, mais aussi un peu frustrant...j’ai l’impression de pêcher dans une crèche à poissons, dans l’espoir de tomber par hasard sur le personnel d’encadrement.
Je décide donc de remonter un peu la rivière, à la recherche de beaux sujets. A la vue d’un gobage franc dans un courant, je lance ma mouche sous une pluie naissante. L’artificielle est prise au deuxième passage, c’est un joli poisson, encore un ombre qui finit par se décrocher après quelques dizaines de secondes d’une défense énergique. Merdouille. L’averse empire, et je décide de m’abriter à proximité d’une cabane de pêche au bord de l’eau.
Une fois le grain passé, les gobages se font plus rares. Après quelques essais infructeux avec mon émergente magique, je décide de passer en spent. Vu la violence de la drache qui vient de passer, ça a du faire quelques morts. Bien vu : deux autres ombres de taille modeste répondent à l’appel et finissent dans l’épuisette. Il commence à se faire tard et le ciel se fait à nouveau menaçant. Je décide de revenir à la voiture et de tenter quelques lancers rapides sur la partie aval avant de repartir, alors que quelques coups de tonnerre se font entendre au loin.
Je n’en aurai pas le temps : la pluie s’abat sur moi alors que je m’approche d’un radier prometteur de l’autre côté de la route. C’est plié. Avant de partir, une brève conversation avec deux autres pécheurs m’apprendra ce que j’avais pressenti : après plusieurs mauvaises années, la rivière a repris des couleurs, et la population d’ombres est en pleine augmentation. Surement l’effet des fortes pluies de deux derniers hivers. De quoi se réjouir pour l’avenir, et une bonne raison de retourner souvent dans ce joli coin, à seulement une heure-et-demie de chez moi.
Adi,
Aurélien
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